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Saint-Nazaire 1940 à 1945
19 février 2019

Historique du port de Saint-Nazaire

Je pense utile d'en apprendre un peu plus sur le port de Saint-Nazaire en dehors de la période de réference de ce blog. Vous trouverez ci-dessous des petits chapitres très variés sur d'autres facettes de ce port, qui, bien que de création relativement récente, moins de 200 ans, est riche en découvertes.

 

La Compagnie Générale Transatlantique, the French Lines

Fondée par les frères Pereire en 1855, elle s’appelle alors Compagnie Générale Maritime. Jacob Emile, l'ainée, et son frère Isaac vont boulverser le paysage industriel et économique de la France du second Empire  et de la IIIème République. Banquiers et économistes, ils vont marier avec habilité le monde des affaires de celui de la politique. Précurseurs dans les transports, ils sont persuadés, à juste titre on le verra, de l'importance du chemin de fer naissant pour le développement industriel du pays. Dès 1857 le ligne de Chemin de fer est prolongé de Nantes à saint-Nazaire ou une grande gare terminus pour voyageurs et une gare de triage pour marchandise sont construites par la  Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans, plus connue sous les initiales "PO" 

En 1860 une convention postale est signée avec l’Etat, pour une durée de 20 ans. En contre-partie de l’exclusivité de la liaison postale et passagers sur l’Amérique Centrale et du Sud, la compagnie s’engage à construire 50% de ses navires en France, et donc principalement à Saint-Nazaire, tête de ligne pour ces nouvelles destinations.

1861 est l’année de création des chantiers de constructions de Penhoët, ainsi que du nouveau nom de l’ancienne Compagnie Générale Maritime désormais  Compagnie Générale Transatlantique. L’année suivante le premier voyage vers les Antilles et le Mexique a lieu avec le  « Louisiane ». Guadeloupe, Martinique, Isthme de Panama, Mexique et Cayenne sont les destinations au départ de saint-Nazaire.

En avril 1864, le premier bateau construit à Saint-Nazaire est lancé. Baptisé « Impératrice Eugénie » en l’honneur de l’épouse de Napoléon III.

Entre 1882 et 1884 une grande partie de la flotte est renouvelée ainsi que les conventions postales. C’est l’âge d’or de la compagnie : elle est le premier employeur de la ville et il y a deux départs mensuels de navires sur ses lignes. 

De 1914 à 1918 la CGT perd le tiers de ses navires par faits de guerre.

La paix revenue, les premières difficultés arrivent. Le flot de l’émigration vers les Amériques décroît, les déficits financiers s’accumulent. A partir de1930 la crise économique mondiale affaiblie encore plus la compagnie qui doit désarmer des navires et supprimer des lignes, notamment celle du Mexique. Le transport de fret marchandises prend petit à petit le relais des activités traditionnelles. Seul l’intervention financière massive de l’Etat  permet le maintien des activités et du lancement du paquebot Normandie en 1935.

1939, tous les navires sont mobilisés. De 1940 à 1945, les pertes sont très importantes. Sur le port de Saint-Nazaire, le bassin de retournement, utile pour les manoeuvres des paquebots, n'existe plus, la base pour sous-marins y est édifiée. De même pour une partie des entrepôts et bâtiments de la compagnie.

En 1946, la Compagnie Générale Transatlantique est réorganisée. Sa flotte est constituée principalement de « Liberty ship » transformés pour plusieurs dans les chantiers de Saint-Nazaire. Mais en 1950  l'arrêt de la  liaison avec les Antilles et Panama marque le terme de l'aventure transocéanique. Le transport maritime évolue, sans doute plus rapidement que ce que prévoyaient les dirigeants de la CGT.

En 1960, lancement du France, à Saint-Nazaire, du dernier grand paquebot de la CGT. Aucun autre projet ne suivra. Mais en 1974 le déficit est devenu permanent, l’Etat arrête ses subventions, le paquebot France, désarmé, attend un reprenneur. Racheté  en 1977 par un homme d'affaire saoudien qui le revend en 1979 à une compagnie norvégienne. Il est rebaptisé "Norway", navigue à nouveau sous pavillon norvégien  jusqu'en 2003 après de nombreuses transformations. Suite à une grave avarie, explosion d'une chaudière, qui entraîne plusieurs morts et des dégâts importants sur un navire de plus de quarante ans. Il est retiré du service. Dernier voyage vers l'Inde pour y être démantelé de 2007 à 2009.

La fusion avec la Compagnie des Messageries Maritimes donne naissance à la dernière entreprise de navigation française : La Compagnie Générale Maritime. Elle n’assure plus que du transport de marchandises.

De 1862 à 1974 près de 500 navires ont sillonné les mers sous le pavillon de la CGT.

 

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Le port de Saint-Nazaire au temps de la Marine à voile. Source: Pinterest.com

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Saint-Nazaire pendant la première guerre mondiale.

Les USA entrent en guerre le 2 avril 1917 quelques semaines après le torpillage du Lusitania par un U-Boot au large des côtes irlandaises. Il faudra cependant attendre deux mois pour voir débarquer les premières troupes à Saint-Nazaire. Désignée Base US n° 1, elle le restera tout au long de la guerre pour le tonnage du matériel  et des approvisionnements débarqués. Le 26 juin 1917, avec le premier convoi, les Marines du 5ème USMC posent le pied à Saint-Nazaire. Ils ont pour mission d’assurer la sécurité des installations et des troupes débarquéesLes troupes américaines arrivent transportées par différents navires : le “Havana”, “Saratoga”,”Pastores”, “Tenadores”, “Neptune”, “Henderson”, “Seattle “et le “De Kalb”. Ils sont suivis le 2 juillet de la célèbre 1ère division US, la «  Big Red One » avec 46 700 tonnes de matériel. Saint-Nazaire est dans le groupe « Nord / Basse-Loire » avec les ports de Nantes et Brest. 1.000.000 de soldats américains auront débarqué en juillet 1918 dans les différents ports de France. Ils seront 1.790.823 au moment de l’armistice en novembre ! Tous n’arrivent pas à Saint-Nazaire, d’autres ports comme Bordeaux, Brest, Bayonne, La Rochelle, mais aussi Marseille et Toulon sont également des centres de débarquement.

 

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Débarquement des troupes US. Passage de la nouvelle écluse avant l'accès aux bassins du port.Photo BNF/internet

f1ggTroupes américaines sur le boulevard de mer à Saint-Nazaire. Ils viennent vraissemblablement du port qui est situé en arrière de la photo. BNF/internet

paquebot Venezia, apportant des chevaux d'Amérique pour l'armée française et l'armée belge_

Débarquement de chevaux. La demande est énorme pour les armées engagées, tout comme les pertes. BNF/internet

L’installation des américains

Des camps sont aménagés sur toute la région, du Croisic à Paimboeuf. Neuf camps, destinés au transit, à l’instruction des soldats et au logement des personnels sédentaires sont installés sur le secteur autour de Saint-Nazaire, avec une capacité de 60 000 hommes. A la date du 2 juillet 1917, 14 750 hommes ont débarqué. Fin juillet 1917, 356.731 tonnes de marchandises, 340.000 tonnes le mois suivant. La moyenne journalière atteint 4 400 tonnes. Le port et ses quais sont saturés. Il n’y a plus d’espace de stockage. En décembre 1917, les travaux pour une gare de triage comprenant 12 voies séparées par des hangars débutent. Elle est achevée le 31 janvier 1918, et porte le nom de l’officier du génie qui l’a conçue : Wilgus. Mais l’afflux des marchandises est tel, qu’il faut créer un nouveau centre de stockage. Au mois de mars 1918, 650 hectares sont loués ou réquisitionnés. Sur la rive droite de la Loire entre le Brivet et Donges. Près de 198 magasins sont installés ainsi qu’un immense parc de stockage en plein-air. Comme il faut remblayer et stabiliser le sol, le génie américain utilise du sable prélevé dans la Loire et même jusque dans les dunes de La Baule. Un appontement en eau profonde est construit par le 20ème régiment du génie américain à Donges afin d’accueillir huit navires en même temps (l’ouvrage ne sera pas achevé à la fin du conflit, seulement 400 mètres sur les 1 000 mètres prévus). En complément, les premiers réservoirs de pétrole sont édifiés. On estime pour l’année 1918 à 5,5 millions de tonnes le volume du trafic portuaire. Des hôpitaux de campagne sont construits jusqu’à Nantes et Angers. Celui de Savenay, d’une capacité de 8000 lits soignera un total de 61.973 blessés. Afin d’assurer un approvisionnement constant et suffisant en eau, une retenue est élevée sur la commune de l’Immaculée, au nord-ouest de Saint-Nazaire, engloutissant au passage le petit hameau de l’Epine Blanche. Deux bassins sont creusés à Guindref et une station de pompage construite.  Il faut aussi stocker les denrées périssables. Sur le port, au niveau du bassin de Saint-Nazaire, un entrepôt frigorifique est construit  (il existe toujours…) Le réseau d’éclairage public est étendu sur une grande partie de la ville. La voie de chemin de fer entre Nantes et Saint-Nazaire est doublée. C’est la « ligne nord » Saint-Nazaire, Nantes, Saint-Dizier et…le front. Une des activités remarquables des américains est l’assemblage, dans les ateliers des chantiers de la Loire, de locomotives arrivées en pièces détachées des Etats Unis. Près de 800 locomotives de type Baldwin, baptisées 140G Pershing, auront été assemblées jusqu’en juillet 1919. Des voies ferrées nouvelles sont établies afin de relier le port et les ateliers de construction au réseau ferré existant.

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Des locotracteurs sont utilisés pour les manoeuvres. Derrière des locomotives à vapeur type 140 G. (photos BNF/internet)

locomotive Baldwin_atelier 1_19 reg génie de Penhouët_écomusée NZL'atelier de montage des locomotives à Trignac.On apperçoit aussi une pièce d'artillerie sur voie ferrée. BNF/internet

 

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 De nouveaux sports débarquent aussi avec les soldats de l'oncle Sam. Document pinterest.com

Locomotive Baldwin 140 G. C'est une commande de 150 unités de l'armée américaine auprès du constructeur Baldwin le 17 juillet  1917 pour une livraison le 1er octobre suivant. Au total, 1690 machines furent commandés. Elles resterons en France après la guerre et utilisées sur la majorité des réseaux avant que les dernières encore en service ne soient incorporées à la SNCF.  Machine robuste mais peu rapide, sans système de surchauffe.

Les prisonniers de guerre allemands à Saint-Nazaire

La mobilisation des forces vives du pays va créer une pénurie de main-d’œuvre dans l’industrie navale et surtout agricole. De nombreux prisonniers allemands vont être dirigés vers la région afin d’y remédier. Ils seront  utilisés pour l’aménagement des camps américains : Terrassements divers, édifications des bâtiments de service, des logements pour la troupe et des hangars de stockage. Ils travailleront aussi sur le port, employés au déchargement des marchandises des cargos. Au mois de Mars 1916, on compte 1086 prisonniers de guerre allemands principalement regroupés dans un camp rue de la Dermurie à Saint-Nazaire.

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St-Nazaire_le port 1917

 

Les prisonniers allemands, en tenue claire, sont utiliser pour les débarquement des marchandises et du matériel sur le port. Ici c'est un cheval, sans doute bien effrayé, qui va toucher le sol de France ! Source: pinterest.com

Les relations avec la population locale

Les « sammies » sont bien accueillis par la population. Cela fait marcher le commerce, les commerces…Mais il faut rapidement réglementer les débits de boissons, la Prohibition règne aux USA ! Le rapport des américains avec l’alcool va poser de nombreux problèmes. La consommation immodérée des militaires les rende violents et occasionne des  bagarres, des agressions et des viols. Le 3ème bataillon du 5ème  régiment de Marines est chargé du maintient de l’ordre en ville et sur le port. Malgré les arrêtés municipaux, la collaboration des polices française et américaine,  de nombreux méfaits vont  se produire. Un des maux principaux liés à la présence des troupes, la prostitution, va se développer à grande échelle à Saint-Nazaire et aux alentours. Une conséquence rapide de la présence américaine est une flambée des prix. Les soldats américains sont bien payés, et les commerçants locaux n’hésitent pas à augmenter leurs tarifs pour profiter de cette manne financière. Cela entraîne beaucoup de difficultés pour la population française. Des boutiques changent leur enseigne en anglais, on fait même des efforts pour apprendre et parler la langue de ces nouveaux et riches clients. D’une manière générale, au quotidien, les relations entre américains et français sont bonnes. Mais, les rapports vont peu à peu se dégrader. L’opinion française s’émeut du comportement de nos alliés, de la vie chère, des routes défoncées par les convois de véhicules, de l’implantation toujours plus grande des infrastructures militaires. L’attitude arrogante de certains militaires aggrave la situation. Le désenchantement succède à l’euphorie.

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En visite à Guérande, ici devant la porte Saint-Michel, le Général Pershing. Ci-dessous on occupe le temps comme on peut dans les camps. (Photo extraite du livre "l"illustration" sur la première guerre mondiale)

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Le rapatriement des troupes américaines

Dès la fin des hostilités, le rapatriement des soldats américains va devenir une priorité. Mais il faut attendre le mois d’octobre 1919 le départ des derniers soldats. Se pose alors le problème des énormes stocks de matériel et marchandises entassés dans la région. Au plan national, un accord de vente est signé entre la France et les USA au sujet de l’ensemble des bâtiments et du matériel importés sur le territoire national depuis avril 1917 et estimé à 400 millions de dollars. Cette somme sera remboursée quand les autorités françaises en auront pris possession et procédé à la vente des biens désignés. En septembre 1919, l’inventaire est enfin terminé, les ventes, par lots le plus souvent peuvent commencer. L’objectif est de permettre une baisse rapide des prix par l’abondance des marchandises mise en vente. Dans un premier temps, la liquidation s’effectue en direction des offices publics, coopératives de consommation, groupements agricoles, avant qu’elle ne soit ouverte au public. Mais rapidement vols et fraudes en tout genre vont se multiplier. Les enjeux financiers sont énormes et les intendants chargés de cette tâche n’ont que très peu de moyens. Par exemple à Montoir, 60 soldats sont affectés à la surveillance alors que les sentinelles américaines se comptaient par centaines. De plus les conditions de stockage sont précaires, les intempéries dégradent le matériel ou rendent inconsommables les denrées alimentaires. Mais le plus grave reste le vol ou le détournement des marchandises. Le tribunal de Saint Nazaire va juger plus de 200 affaires de vols entre la mi-octobre et décembre 1919. On vole tout, ainsi des pillards s’emparent d’une locomotive et remorquent les wagons jusqu’à Donges où le butin sera partagé. On retrouve chez un habitant de Penhouët une ambulance de cinq tonnes...Des soldats surveillent les lieux de stockage, mais ils sont en nombre insuffisant et parfois complice des voleurs ! La spéculation est importante sur ces biens achetés à bas prix et revendus un peu partout sur le territoire. Les responsables des ventes, les intermédiaires, les chauffeurs qui acheminent les véhicules ( à l'époque les titulaires du permis de conduire ne sont pas légion...) beaucoup de monde  donc va s'enrichir avec ces traffics. Il faudra plusieurs mois avant que les autorités reprennent tout cela en main, mais les pertes financières pour l’état français sont immenses.

Clip_2Des troupes américaines rembarquent début 1919 à Saint-Nazaire. Photo prise sur le quai de la CGT dont on apperçoit les entrepôts à droite. (Photo extraite du livre "l"illustration" sur la première guerre mondiale)

 Lieux de mémoire

Le monument commémoratif édifié et inaugurée en juin 1926 est aujourd'hui le seul témoin de cette période. La statue qui représente un soldat sur le dos d'un aigle, symbole des USA, une épée à la main, sera détruite par l'occupant  en décembre 1941. Il s'agit pour l'occupant d'effacer la défaite de 1918 ( l'implication des USA en est la principale raison) et récupérer quelques tonnes de métal. Seul subsiste la base en pierres du monument pendant des décennies. Il faut attendre juin 1989 et une souscription publique pour voir le monument restauré et une nouvelle statue, réplique exacte de la première, ne soit mise en place. 

saint-nazaire-info-decalee-grincante-humoristique-c-est-par-iciLe monument tel que l'on peut le voir de nos jours. (Photo personnelle) 

csm_FRAC44164_013J004_detail_1800x1200_10e16002f0_archivesConstruction du monument. Mise en place de la statue. Les ouvriers donnent l'échelle. (document pinterest.com)

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Commentaires
K
Un article passionnant sur le St-Nazaire de mon enfance, et qui m'a appris beaucoup de choses.<br /> <br /> Un nazairien de Fréjus
Répondre
Saint-Nazaire 1940 à 1945
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